Allongée sur une pierre surplombant le point d'eau, Vitani se tenait à l'écart, ne voulant pas être dérangée comme à son habitude. Assoupie à se faire griller sur sa pierre, le soleil chauffait son pelage doré. Puis, comme en écho à ses espoirs, quelqu'un commença à faire tout un remue-ménage, à sa grande frustration. Tentant de rester endormie en fronçant les sourcils pour garder ses yeux fermés, la lionne ne pouvait pas ignorer le brouhaha et les plaintes environnantes. Ouvrant finalement les yeux avec peine, brièvement aveuglée par le soleil, elle chercha rapidement le fouteur de trouble, un grondement déjà roulant dans sa gorge. Le, ou plutôt la coupable venait justement de faire déguerpir un lion mécontent. Mais Vitani était loin d'être du genre à céder sa place, surtout quand on la dérangeait. Se levant en position assise pour surplomber l'autre, sa silhouette obstrua le soleil, portant ainsi son ombre sur la guéparde.
- Hey toi. On vient ici pour avoir la paix si t'avais pas remarquer. Alors va emmerder quelqu'un d'autre tu veux ? fit-elle, acerbe. Son visage laissant clairement deviner qu'elle ne plaisantait pas et qu'il ne fallait pas tirer sur l'élastique de la patience.

(Je peux ? )

La guéparde jouait l'imbécile, cherchant l'interpellé en jouant l'ignorance. Vitani rola des yeux, exaspérée.
« La paix? Moi j'ai la paix! Donc je dois être au bon endroit alors! »
Elle haussa les sourcils, peu encline à rigoler. Ses oreilles se tordirent vers l'arrière alors que la féline s'avançait dans sa direction. Posant le menton sur la pierre, elle posa une patte sur sa tête, la faisant glisser sur son visage, étirant sa peau. Semblait-il qu'elle devrait se réveiller pour chasser la turbulente.
« Toic'estquoitonpetitnom? ~♥ »
Et sans même attendre une réponse, elle décampa en levant un nuage de poussière sur son passage. Vitani arqua un sourcil puis sourit, ravie que la bête se soit éloigné. Elle se roula sur le flanc, profitant à nouveau du soleil cuisant sans prêter plus d'attention aux autres.

— Greubleuh.
Les joues gonflées, la démarche aussi droite que celle d’un bateau balloté par une mer en furie, la hyène lève les yeux au ciel, bougonne. L’ennui. Il n’y a rien de pire que l’ennui… Et pourtant, c’est bien ce qui menace de l’engloutir d’un moment à l’autre… La savane verdoyante est tellement calme qu’il pourrait simplement mourir en s’y endormant pour faire une sieste. Rien. Pas de troupeaux à terroriser, pas de lionceau à poursuivre, pas de carcasse à grignoter… Il n’y a même pas un lion à enquiquiner dans l’coin… Il inspire. Inspire. Inspire. Puis rugit, fort, énervé.
— Greuuuuubleeeuuuuh !
Son cri se perd dans la brousse, sans réponse. Il tira la langue, dégouté. Il décide de recommencer, et s’élance toute pattes dehors, courant au gré de sa frénésie. Il crie à tue tête, prenant soin de se diriger progressivement vers les endroits les plus fréquentés. Son manège arrache des cris de protestations au plus hargneux, mais rien de vraiment marrant. Vexé, il s’insurge, jurant, protestant comme un gamin.
— C’est nuuuuul ici ! Bande de chiffes molles ! Dégonflés ! Abrutis ! Ignorants !
Mais alors que tout espoir semble perdu, un bruit fait tiquer son oreille. Un bruit d’eau. Il fronce les sourcils, et son sourire prend un pli mauvais.
— Alors, c’est là qu’on se cache de tonton Ner’, hm…
Il reprend sa course, survolté, et arrive au point d’eau en quelques instants. Ses yeux s’agrandissent à la vision qui s’offre à lui. Un guépard et une lionne. Bardé de rangés d’hippopotames…
— Ohoooohooo !
Il s’élance, passant par dessus les buissons et les racines. A à peine quelques mètres de la lionne, il saute de manière à lui retomber dessus et à la faire tomber dans l’eau, éclaboussant nombre d’habitants de la savane au passage.
— SSSUURRRPRISE ! S’exclame t-il, aussi joyeux qu’un gosse.
Le choc arrive, aussi violent qu’escompté, et il sourit de toutes ses dents, glissant un peu plus loin, non sans récolter un peu de boue au passage.

« Ohoooohooo ! »
Croyant encore à la guéparde s'énervant plus loin, seule une oreille pivota vers l'arrière, ses sourcils se fronçant en comment lentement à croire qu'elle ne trouverait la paix nul part. Puis des pas rapides s'approchèrent et la lionne n'eut que le temps d'ouvrir les yeux et que ses pupilles ne de dilatent qu'elle fut percuter de plein fouet pour être propulser dans l'étendue d'eau. Touchant le fond rapidement, elle s'empressa de redresser vivement la tête pour inspirer profondément. En fait, elle avait un air tétanisé au premier coup, complètement prise par surprise. Puis, reprenant son souffle, elle regarda violemment derrière son épaule, les crocs serrés et les babines soulevées pour les dévoiler.
« SSSUURRRPRISE ! »
En réponse, on put entendre un énorme rugissement qui fit déguerpir les plus craintifs autour du point d'eau et faire taire le reste des occupants. Piquée au vif, Vitani se fraya un chemin dans l'eau, la tassant avec furie, ses yeux rivés sur sa cible et elle n'avait pas l'air contente de sa 'surprise'. Tendue de partout elle marchait la tête basse, émergeant bientôt du point d'eau et marchant plus rapidement. Ses yeux s'attardèrent un instant sur le félin aux yeux rouges qui se moquait de la situation plus loin. Chacun son tour pour se faire régler son compte.
- TOI! cria-t-elle dans un grondement.

- FWAHAA! La tête qu'elle a fait! C'est un bon coup monsieur la hyène!
La hyène s’ébroue, exaltée.
— Ce n’était qu’un apéritif, tachetée ! Prend en d’la graine !
Ne perdant pas une once de sa désinvolture et de sa bonne humeur à la menace de la lionne, Nergui commence à décrire des cercles autour d’elle, tel un clown tournant autour d’un fauve, mais néanmoins prêt à esquiver à la moindre attaque.
- TOI!
— Quoi quoi moi ? Tu n’as jamais vu une hyène de ta vie !?
Il rigole, moqueur, avant de se rapprocher dangereusement de la femelle, ses yeux exorbités et sa mâchoire claquant dans sa jubilation.
— M’est avis qu’il faut encore te rafraichir la mémoire !
Et sur cette déclaration, il donne une tape sur le museau de la félidé, provoquant, avant de sauter en arrière.
— OHOOOHOOOO ! Qui l’eut crut, ça sonne plein !
Il remarque la présence du guépard en bordure de son champ de vision. Il rigole, béat.
— Un petit coup de main mademoiselle tâche ?
Autant utiliser toutes les cartes pour remporter une partie. Et une dose de hasard pour pimenter le tout.

« Ce n’était qu’un apéritif, tachetée ! Prend en d’la graine ! »
Il la narguait complètement, se vantant comme un paon de son exploit auprès de l'autre énervée. La queue de la lionne blonde fouettait l'air avec véhémence, montrant clairement son énervement. Elle restait pourtant sur place, les pattes bien écartées pour la garder solide comme du rock, ses muscles exposées alors qu'elle le suivait des yeux avec concentration, les mâchoires serrées.
« Quoi quoi moi ? Tu n’as jamais vu une hyène de ta vie !? »
Un sourd grondement monta le long de la gorge de la lionne comme seule réponse alors que son visage se crispait davantage.
« M’est avis qu’il faut encore te rafraichir la mémoire ! »
Et comme un singe il vint lui taper le dessus du museau, s'esquivant immédiatement.
Vitani rugit, faisant vibrer la savane environnante et s'envoler les quelques oiseaux qui avaient été assez courageux pour survivre au précédent.
« OHOOOHOOOO ! Qui l’eut crut, ça sonne plein ! »
Elle jeta un coup d'oeil à la guéparde en retrait, puis la hyène l'imita pour lui adresser la parole. Un moment de trop d’inattention pour le péril de sa vie. Elle abaissa le postérieur, tendant ses pattes arrières.
« Un petit coup de main mademoiselle tâche ? »
Pour finalement les laisser exploser comme des ressorts pour se projeter sur sa cible.

La hyène avait délaisser son attention une seconde, et voilà que la lionne s’emportait ! Très bien. Il adorait les jeux de ce type. Partageant la joie de la vagabonde sans pour autant l’exprimer, il se baisse, anticipant le mouvement de son attaquante, et grâce à sa souplesse, vient à sa rencontre, membres tendus, complétant la traction vers le bas avec sa propre poussée. Ses pattes s’encochèrent sur les cotes de la lionne, et, en une roulade commune et chaotique, il utilise la force créer par leur actions respectives pour se relever et dévier son adversaire de lui. Fier, fanfaron, il relève le menton, moqueur.
— Buuu ! C’est ça que t’appelle une attaque !? J’ai vu des piafs plus féroces que toi !
- Oh qu'es ce que je dois faire?
Puis, délaissant la femelle, sautillant de pierre en pierre, il vient finalement à la rencontre de la guéparde, lui adressant un sourire puéril et ravi.
— Oh rien de bien dangereux. Juste m’aider à décoincer notre camarade ! Il s’approche de son oreille, mettant une patte devant sa bouche pour couvrir le son de sa voix. Et, entre nous, si tu pouvais aussi lui tirer la queue à chaque fois qu’elle veut me tuer, ça m’arrangerait ! Et ce serait hilarant !